Chaire de recherche du Canada sur le placement et la réadaptation des filles en difficulté

Titulaire de la chaire : Nadine Lanctôt

Les parcours de vie de certaines adolescentes et jeunes femmes sont remplis d’une panoplie d’événements et de problèmes qui sont fortement susceptibles d’altérer la qualité de leur adaptation sociale et leur passage à la vie adulte. Les adolescentes en difficulté sont particulièrement à risque de se retrouver, au début de l’âge adulte, dans des situations où la monoparentalité, la pauvreté, la faible scolarisation, la violence dans les relations intimes, l’isolement social et la détresse psychologique se juxtaposent. Nos travaux de recherche, conjugués à d’autres études récentes, démontrent sans conteste la nécessité de concevoir des programmes de réadaptation sensibles aux caractéristiques des adolescentes et des jeunes femmes en difficulté. Ces constats étant établis, il importe maintenant d’aller au-delà des comparaisons entre les genres, au profit d’une compréhension plus approfondie, articulée et nuancée des différents profils, parcours et besoins de la clientèle féminine recevant des services de réadaptation.

C’est dans cette perspective que les travaux de la Chaire de Nadine Lanctôt contribueront au développement de pratiques prometteuses en matière de réadaptation des adolescentes et des jeunes femmes en difficulté âgées de 12 à 25 ans. La programmation de recherche se structure autour de trois axes.

Axe 1 : L’hétérogénéité des profils et des parcours des jeunes femmes en difficulté.
Les études empiriques se sont beaucoup attardées aux différences entre les genres. Bien qu’indispensables, ces études traitent de la clientèle féminine dans son ensemble, comme un tout homogène, masquant ainsi toute l’hétérogénéité qui prend place dans les profils et parcours des jeunes femmes en difficulté. Une meilleure compréhension de la variété des profils et des parcours des jeunes femmes en difficulté pourra contribuer à mieux adapter les interventions de réadaptation aux capacités et besoins particuliers de cette clientèle, ceci par des interventions « différenciées » et non pas au moyen d’une intervention « unique ».

Axe 2 : Les besoins des jeunes femmes en difficulté en matière de réadaptation.
Sur la base de la forte prévalence des difficultés observées chez les jeunes femmes en difficulté, les écrits scientifiques identifient des cibles d’intervention à prioriser afin de répondre aux besoins de cette clientèle. Il est de plus en plus reconnu que les efforts de réadaptation doivent aussi miser sur les besoins, les valeurs, les capacités et les aspirations des individus. Dans cette optique, cet axe s’appuiera sur un modèle d’intervention innovant : le « Good Lives Model » (Ward et Stewart, 2003). Ce modèle s’appuie sur des principes qui s’avèrent fondamentaux dans la volonté d’offrir des interventions sensibles et efficaces aux jeunes femmes en difficulté.

Axe 3 : Les effets de la réadaptation sur les parcours des jeunes femmes en difficulté.
Les études récentes sur le développement d’intervention de réadaptation convergent désormais autour d’une recommandation très claire : implanter des interventions reconnues pour leurs effets, tout en adaptant les cibles et le contexte des interventions aux capacités et aux besoins de la clientèle féminine. Or, bien que les programmes qui visent la réduction des troubles de comportement et de la délinquance des jeunes femmes se montrent relativement efficaces à cet effet, d’autres difficultés demeurent perméables à ces programmes (ex. : symptômes dépressifs et anxieux). Dans une tout autre perspective, la recherche a mis en lumière des effets paradoxaux des interventions de réadaptation, surtout dans le contexte des placements (nombreux déplacements, accumulation des ruptures relationnelles, bouleversements qui aggravent les symptômes traumatiques, sentiment de dévalorisation et de stigmatisation à propos de l’historique de placement). Si un consensus existe au sujet de ces effets paradoxaux, ils sont rarement abordés de front par la recherche. Considérant la grande vulnérabilité des jeunes femmes en difficulté en regard de leurs problèmes affectifs, relationnels et de santé mentale, il devient essentiel d’envisager les études sur la réadaptation sous un angle nouveau en s’attardant aux effets que peuvent avoir les interventions sur leur bien-être, incluant des dimensions subjectives comme l’image de soi, le sentiment d’efficacité et le sentiment d’avoir une emprise sur sa propre vie.