Le côté sombre de la mise sous garde pour les adolescents contrevenants : leur expérience
Ce texte fut rédigé dans le cadre du Concours de vulgarisation scientifique 2021 de l’Université de Sherbrooke.
Auteure : Daphnée Bédard
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« J’ai tellement de rage, puis de douleur, puis de souffrance » (Francesco)
« J’étais découragé […] je n’étais plus capable de me lever […] plus capable de rien. […] J’espérais vraiment mourir » (Olivier)
« Je préfère me suicider que de rester ici » (Aziz)
Voici les discours saignants révélant la souffrance des jeunes rencontrés à l’intérieur des murs des centres de réadaptation pour adolescents, hébergés sous la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA). Sans nier le délit commis, un placement en centre de réadaptation sous la LSJPA comprend son lot de défis. À priori, il faut savoir que l’approche d’intervention québécoise vise la protection des jeunes. La mise sous garde vise l’arrêt des activités délinquantes tout en favorisant le mieux-être des adolescents. Le but de l’étude de St-Pierre et Laurier, chercheuses en psychoéducation, est d’offrir une tribune à 10 adolescents placés sous la LSJPA afin de s’exprimer sur leur expérience en centre de réadaptation.
Prenons le cas fictif d’Émile, un adolescent de 17 ans, en quête d’indépendance et en développement identitaire et social. Il a besoin de vivre différentes expériences, de socialiser et d’avoir accès à des modèles positifs afin de se développer harmonieusement. Cet adolescent vit dans un centre de réadaptation pour jeunes ayant commis des délits, entourés d’intervenants, d’autres adolescents contrevenants, loin de ses amis habituels et de sa famille. Présentement il dit avoir des idées suicidaires. Ce jeune est déprimé, triste et désespéré, tout comme 70% des jeunes mis sous garde rencontrés par St-Pierre et Laurier ont dit l’être. Selon ces auteurs, les idéations suicidaires peuvent-être interprétées comme un cri de douleur.
L’expérience de ces adolescents
En prenant comme appui les témoignages et l’expérience des adolescents mis sous garde, St-Pierre et Laurier fond ressortir quatre grands constats. Premièrement, vivre avec des éducateurs est caractérisé par des relations tendues et conflictuelles. Deuxièmement, aucun jeune ne mentionne avoir d’ami ou vivre des expériences positives avec d’autres jeunes du centre de réadaptation. Troisièmement, l’imposition de règles contribue à renforcer la colère des jeunes et à détériorer des situations déjà difficiles. Finalement, la perception d’être coupé du monde extérieur est comparable, selon les jeunes, à un sentiment de solitude et d’isolement. Notamment, un des jeunes rencontrés mentionne ne pas avoir quelqu’un sur qui compter pour s’en sortir. De plus, les émotions les plus présentes chez ces adolescents rencontrés sont la déprime et la frustration.
Rester attentif aux impacts négatifs de la mise sous garde
En considérant la description d’Émile, un adolescent de 17 ans, il est possible que celui-ci éprouve des sentiments négatifs, de la solitude physique et émotionnelle, des conflits relationnels ainsi que de la colère face à l’imposition de règles. Ces conséquences mettent en lumière la détresse et la charge émotive importante que peuvent causer le placement en centre de réadaptation sous la LSJPA. Le risque suicidaire peut donc apparaître en contrecoup de ces expériences et sentiments négatifs, devenant ainsi inévitable.
En somme, aucun participant n’a décrit avec positivisme son expérience de mise sous garde. Seules des émotions difficiles ou neutres sont verbalisées par ces 10 jeunes. Ainsi, considérant les multiples conséquences d’une mise sous garde, il est légitime de peser le pour et le contre d’un placement en centre de réadaptation sous la LSJPA et de veiller à ce que les adolescents ne sombrent pas dans un désespoir pouvant conduire au suicide.
Référence de l’article scientifique sur lequel porte ce texte de vulgarisation :
St-Pierre, L. et Laurier, C. (2020). Fragilité suicidaire des jeunes délinquants. Analyse interprétative phénoménologique de l’expérience en mise sous garde. Nouvelles perspectives en sciences sociales, 15(2), 83-136. https://doi.org/10.7202/1071316ar |