Texte gagnant au Concours de vulgarisation scientifique 2024 de l’UdeS – L’amitié au coeur du rétablissement de l’anorexie

Juillet 2024

Ce texte est un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2024 de l’Université de Sherbrooke.

Auteure : Apolline Coën


Il y a un an, Emma et Mathilde, deux adolescentes de 15 ans, recevaient le même diagnostic d’anorexie mentale. Aujourd’hui, assises dans la salle d’attente, elles s’apprêtent toutes les deux à rencontrer leur médecin pour leur rendez-vous de suivi. Emma est calme. Elle a hâte qu’on la félicite d’avoir réussi à manger au restaurant avec sa meilleure amie. Mathilde par contre, est très anxieuse. Elle redoute la pesée.  Si elle a encore perdu du poids, son médecin devra l’hospitaliser de nouveau…

L’anorexie mentale, débutant souvent à l’adolescence, est un trouble alimentaire où les personnes mangent très peu et perdent beaucoup de poids. En plus des conséquences sur la santé, l’anorexie affecte les relations avec les autres. Plus une personne est dénutrie, plus elle a tendance à s’isoler socialement. Des recherches récentes suggèrent que des relations peu satisfaisantes avec les pairs peuvent être liées à des symptômes plus graves chez les adolescentes souffrant d’anorexie.

Pourquoi Mathilde est-elle encore aussi malade, alors qu’Emma semble aller beaucoup mieux ? Comment aurait-on pu adapter le traitement pour soutenir Emma davantage ?

Afin de répondre à cette question, la professeure Isabelle Thibault et son équipe ont mené une étude.  Elles se sont d’abord appuyées sur les écrits scientifiques qui font état de de trois type de facteurs pouvant augmenter le risque de développer l’anorexie, soit : les éléments psychologiques (faible estime, anxiété, etc.), les éléments familiaux et les éléments sociaux (média, apparence, etc.). Par contre, elles se sont aperçues que peu d’études ont réussi à identifier les facteurs qui permettent de prédire comment la maladie va évoluer à moyen ou à long terme. Autrement dit, des données manquent afin d’expliquer ce qui a permis à l’état d’Emma de s’améliorer après un an de traitement, alors que la maladie de Mathilde s’aggrave.

L’équipe de recherche a donc mené une étude auprès de 143 adolescentes (100% sexe féminin) souffrant d’anorexie. Au début de l’étude, chacune a répondu à des questionnaires sur leurs émotions, leur famille et leurs pairs. Puis, un an plus tard, les chercheuses ont évalué à quel point leurs problèmes alimentaires demeuraient sévères.

Elles ont découvert que les adolescentes qui souffraient de grandes difficultés psychologiques au début de l’étude étaient plus malades que les autres après un an de traitement. De plus, les filles qui se sentaient plus éloignées de leurs pairs au début présentaient des symptômes plus graves à la fin de l’étude.  Enfin, l’étude a démontré que les défis psychologiques et familiaux des adolescentes atteints d’anorexie ont un impact négatif sur la qualité de leurs amitiés, ce qui aggrave d’autant plus leurs symptômes à long terme.

L’amitié, une partie de la solution…

À l’adolescence, réussir à développer des relations saines favorise la confiance en soi et les relations avec les pairs. Les relations amicales jouent donc un rôle important. En effet, si Mathilde se sent détachée de ses pairs, elle aura du mal à recevoir du soutien social en cas de difficulté. À l’inverse, le lien d’amitié entre Emma et sa meilleure amie lui permettra de traverser les difficultés en renforçant son estime d’elle-même.

Ces résultats sont importants pour les professionnels de la santé, car ils suggèrent l’importance de soutenir les personnes adolescentes non seulement sur le plan émotionnel, mais aussi dans leurs relations amicales pour favoriser un rétablissement positif.

 

Référence de l’article scientifique sur lequel porte ce texte de vulgarisation :

Thibault I., Pascuzzo K., Pesant C., Bégin C., Bédard A., Di Meglio G., Meilleur D., Taddeo D., Gingras N. (2023) Anorexia Nervosa in Adolescence: A Comprehensive Study of Multidimensional Factors Associated with Symptom Severity 1 Year Following the Diagnosis. Child Psychiatry Hum Dev. 2023 Sep 19. https://doi.org/10.1007/s10578-023-01599-6

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