Concours de vulgarisation scientifique 2025 de l’UdeS – Jeunes mères vulnérables : du trauma à la guérison

Jeanne est une jeune maman de 23 ans. À l’enfance, elle a été placée en centre de réadaptation en raison de la violence infligée par son père. Aujourd’hui, elle n’a plus de contact avec ses parents. Quant au père de sa fille, il les a quittées. Jeanne se retrouve ainsi seule, submergée par sa tristesse et sa colère. Il lui arrive d’être froide envers sa fille, ce qui réactive les souvenirs douloureux de son enfance. Elle aimerait être soutenue dans son rôle de mère, mais établir des relations intimes, faire confiance… c’est tout un défi pour elle. L’histoire de Jeanne n’est pas si différente de celle d’autres mères ayant reçu des services en protection de la jeunesse. Son vécu relève du trauma complexe, qui réfère aux expériences de violence répétées au sein de relation significative et aux conséquences associées. Parmi ces conséquences figurent les perturbations relationnelles, soit des difficultés à développer et maintenir des relations saines basées sur la confiance.

Le vécu des mères au cœur de l’étude

La perspective du trauma complexe peut être utile pour mieux comprendre le fonctionnement relationnel de ces jeunes mères. Madeleine Prévost-Lemire, candidate au doctorat, et son équipe de direction se sont appuyées sur cette perspective pour mener une étude auprès de dix-sept mères âgées de 20 à 25 ans et ayant été placées en centre de réadaptation. L’objectif visait à mieux comprendre comment les perturbations relationnelles liées au trauma complexe affectent le quotidien des jeunes mères. L’analyse thématique des entrevues menées a permis d’identifier deux thèmes principaux, représentant ces perturbations.

Sentiment de déconnexion versus désir de connecter

L’étude révèle un profond sentiment de déconnexion vécu par les jeunes mères. Celles-ci expriment un grand sentiment de solitude. C’est le cas de Jeanne, qui doit se débrouiller seule sans bénéficier du soutien de ses proches. Elle aimerait reprendre contact avec sa mère, mais ignore comment s’y prendre. Les jeunes mères abordent aussi la fréquence des conflits dans leurs relations. Le fait de ressentir à la fois de l’amour et de la colère crée des interactions explosives. Pour Jeanne, ces émotions contradictoires sont difficiles à gérer. Son impulsivité lui a déjà coûté plusieurs amitiés. Concernant sa fille, il n’est pas question de mettre en péril leur relation. Jeanne redouble donc d’efforts pour maintenir leur lien positif.

Les jeunes mères rapportent également le désir de créer et de maintenir des relations significatives. Ces relations sont décrites comme étant très intenses. Pour Jeanne, cette intensité émotionnelle l’amène à devenir fusionnelle et possessive envers son enfant. Elle se souvient lorsqu’elle a dû confier sa fille à sa voisine une soirée. Cette séparation l’avait grandement bouleversée. Par ailleurs, de nombreuses mères expriment le désir d’être en relation amoureuse, même si cela les expose à de la violence. Jeanne partage ce désir : sa solitude et son besoin d’être aimée la mènent parfois à tolérer des comportements abusifs.

Enfin, malgré la présence de défis relationnels importants, Jeanne rêve de construire des relations saines et réparatrices. Apprendre à aimer et à être aimée pourrait représenter une opportunité de guérir des blessures affectives laissées par le trauma complexe.

L’effet réparateur d’une relation de confiance

En raison des perturbations relationnelles vécues, il peut s’avérer difficile pour Jeanne d’établir un lien de confiance. Les personnes professionnelles peuvent représenter cette première expérience relationnelle positive, en misant sur une approche sensible, coopérative et adaptée à ses besoins. En soutenant son autonomie et le développement de ses capacités relationnelles, les personnes professionnelles contribuent à un avenir plus prometteur pour elle et sa fille.