La détresse et les pratiques parentales : quels rôles jouent-elles entre le tempérament de l’enfant et ses comportements perturbateurs?
Ce texte fut rédigé dans le cadre du Concours de vulgarisation scientifique 2023 de l’Université de Sherbrooke.
Auteure : Marie-Hélène Haeck
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« Charles-Olivier* a lancé son sandwich au visage d’un ami ce midi », lit Maude*, sa maman, dans un courriel de la part de l’enseignante de son fils. Découragée, Maude soupire. Elle ne sait plus comment agir face aux comportements perturbateurs de son fils de 8 ans.
Le tempérament ― une grande source d’influence dans le développement de l’enfant
Certains enfants comme Charles-Olivier présentent un tempérament dit « difficile ». Souvent impulsifs et réactifs, ces enfants sont plus à risque de vivre de la colère et de l’irritabilité, ainsi qu’à éprouver de la difficulté à gérer leurs émotions. Plusieurs d’entre eux font ainsi face à des défis au niveau de leurs comportements incluant des manifestations d’opposition ou d’agressivité. Confrontées à de tels comportements, les mères de ces enfants peuvent se sentir stressées, dépassées et peuvent même présenter des symptômes de dépression. Une question importante se pose alors : est-ce qu’un tempérament plus difficile chez l’enfant est un facteur de risque pour un fonctionnement maternel moins adapté ― ce qui engendre par la suite des difficultés comportementales plus élevées chez l’enfant?
Les professeures Gabrielle Garon-Carrier et Katherine Pascuzzo, accompagnées de leurs collègues, ont cherché à répondre à cette question en examinant si la détresse et les pratiques parentales des mères pouvaient expliquer le lien entre le tempérament de l’enfant et ses comportements perturbateurs. Leur étude porte sur plus de 300 enfants, âgés en moyenne de 8 ans et demi, qui fréquentaient une école primaire publique du Québec et recevaient des services à l’école pour des troubles de comportement extériorisés. Chaque année, sur une période de trois ans, les mères de ces enfants ont rempli une série de questionnaires. L’équipe de recherche a évalué trois dimensions spécifiques du tempérament à l’année 1 : l’affectivité négative (ex., tendance à ressentir de la colère / frustration), l’extraversion (ex. recherche de sensations / impulsivité) et la régulation volontaire (ex., capacités d’attention / d’autocontrôle). À l’année 2, le niveau de détresse des mères et leurs pratiques parentales ont été examinés. Finalement, à l’année 3, les comportements perturbateurs des enfants ont été considérés.
Vers un portrait plus complet de l’influence du tempérament : mieux comprendre l’effet sur les mères
Les résultats de l’étude montrent que le tempérament des enfants et le fonctionnement des mères contribuent tous deux aux comportements perturbateurs de certains enfants. Plus spécifiquement, une détresse plus élevée chez les mères explique le lien entre une régulation volontaire plus faible chez l’enfant et ses problèmes perturbateurs plus élevés. Ainsi, plus les enfants présentent un faible niveau de régulation volontaire, plus la détresse de la mère est élevée ― cette détresse maternelle étant ensuite associée à des problèmes perturbateurs plus prononcés chez l’enfant. L’étude indique aussi qu’une détresse maternelle plus élevée et des pratiques parentales plus hostiles expliquent le lien entre un niveau plus élevé d’extraversion chez l’enfant et ses problèmes perturbateurs plus présents. Enfin, une détresse maternelle plus élevée est associée à des problèmes de comportements plus marqués chez les garçons ayant un tempérament caractérisé par plus d’affectivité négative. Or, ce phénomène n’a pas été identifié chez les filles.
Accompagner les mamans pour mieux soutenir leurs enfants
Bien réagir face aux comportements plus problématiques des enfants peut s’avérer très exigeant pour les parents. Selon les résultats de l’étude, deux pistes gagnantes seraient d’offrir aux parents davantage de soutien en matière de santé mentale et de les aider à tenir compte du tempérament de leur enfant dans leurs interventions parentales. Les psychoéducatrices et les psychoéducateurs pourraient notamment outiller les mères à mieux décoder les caractéristiques du tempérament de leur enfant et les comportements qui leur sont associés. En comprenant mieux les réactions de leur enfant, elles pourraient alors répondre de manière plus adaptée à leurs besoins, ce qui, ultimement, contribuerait à diminuer les comportements plus difficiles chez leur enfant. Par ailleurs, en observant les retombées positives de leurs interventions sur leurs enfants, ces mères pourraient se sentir plus confiantes et vivre moins de détresse.
Reconnaissant que son fils éprouve des difficultés d’autocontrôle, Maude pourrait aider son enfant à développer et à pratiquer ses habiletés à tolérer ses frustrations et à se calmer. Elle pourrait aussi l’encourager et le féliciter lorsqu’il fournit des efforts pour bien gérer ses émotions. Ces stratégies déjà éprouvées aideraient ainsi au développement de relations plus harmonieuses entre tous les petits Charles-Olivier et leurs mamans!
*Noms fictifs
Référence de l’article scientifique sur lequel porte ce texte de vulgarisation :
Garon-Carrier, G., Pascuzzo, K., *Gaudreau, W., Lemelin, J.-P. et Déry, M. (publié 2022). Maternal Functioning and Child’s Externalizing Behavior Problems: Temperament and Sex-Based Driven Effects. Frontiers in Psychology – section Personality and Social Psychology, 13.