Les intervenantes et intervenants en protection de la jeunesse ont-elles et ont-ils besoin de formations sur les enfants présentant une déficience intellectuelle ?

Août 2022

Ce texte fut rédigé dans le cadre du Concours de vulgarisation scientifique 2022 de l’Université de Sherbrooke.

Auteure : Chloé Sirois

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Connaissez-vous, de près ou de loin, un enfant présentant une déficience intellectuelle ? Peut-être que oui, peut-être que non, mais une chose est certaine : ces enfants sont parmi ceux qui sont les plus à risque de maltraitance dans notre société. Que ce soient les abus, la négligence ou les mauvais traitements physiques ou émotionnels, près d’un enfant sur dix présente une déficience intellectuelle au sein des enfants desservis par nos services de protection de la jeunesse.

L’évaluation : un casse-tête pour le personnel intervenant en protection de la jeunesse

Jeudi matin, café au lait à la main, Claude participe à une rencontre d’équipe concernant le dossier d’un nouveau jeune présentant une déficience intellectuelle. François, 13 ans, a été retiré de sa famille pour des allégations de négligence. Il s’installera donc à l’unité durant l’évaluation de son dossier, afin de connaître si les faits sont fondés ou non. En essayant de mieux comprendre la situation du jeune, Claude s’interroge. Pourquoi les enfants présentant une déficience intellectuelle ont tendance à davantage faire l’objet de négligence que les autres enfants maltraités ? Et pourquoi y’a-t-il moins de dossiers touchant la maltraitance psychologique chez les enfants présentant une déficience intellectuelle que chez les autres enfants maltraités ?

Tout en prenant la dernière gorgée de son café, Nadine, une collègue, mentionne qu’elle a récemment lu un article de De La Sablonnière, Paquette et ses collaboratrices sur les enfants présentant une déficience intellectuelle en protection de la jeunesse. Elle explique que le manque d’habiletés de communication de ces jeunes et leurs difficultés au niveau social peuvent les empêcher de divulguer les faits entourant la maltraitance dont ils sont victimes. Elle donne un exemple. S’il présente en plus de la déficience intellectuelle, une déficience physique comme c’est le cas pour plusieurs de ces enfants, comment peut-il se déplacer vers une personne de confiance pour dévoiler ce qu’il a vécu ? Si l’enfant avec une déficience intellectuelle ne parle pas, comment pouvons-nous savoir ce qu’il pense et ce qu’il ressent ? S’il n’y a pas de marques physiques, comment pouvons-nous savoir si cet enfant a vécu de la maltraitance ?

Les risques et les besoins spéciaux

En terminant sa journée, Claude comprend qu’il est difficile de détecter les signes de maltraitance psychologique ou de négligence chez les enfants présentant une déficience intellectuelle. Toutefois, il se pose encore une question. Qu’est-ce qui place ces jeunes plus à risque de vivre de la maltraitance que les autres enfants ? Il décide donc de lire l’article de De La Sablonnière, Paquette et ses collaboratrices. L’article montre que les comportements sexuels inappropriés, la déficience physique et la présence d’un trouble du spectre de l’autisme sont des caractéristiques qui sont associées à la déficience intellectuelle chez les enfants maltraités. Chez les parents, ce sont les revenus financiers ne provenant pas du travail (p. ex. l’aide sociale) et la déficience intellectuelle de l’un des parents qui sont associés à la déficience intellectuelle chez les enfants maltraités.

En cuisinant son risotto aux champignons, Claude explique à son conjoint que ces enfants ont des profils beaucoup plus complexes. Il explique que le personnel intervenant en protection de la jeunesse comme lui n’est peut-être pas adéquatement formé pour bien évaluer la situation de maltraitance des enfants maltraités présentant une déficience intellectuelle. En dégustant leur repas, ils échangent sur certaines lacunes du système qui ne permettent pas de répondre aux besoins spécifiques de ces enfants : manque de soutien, de formation, de connaissance sur les risques, etc. Selon Claude, il serait important de répondre aux besoins de formation des intervenantes et des intervenants œuvrant en protection de la jeunesse pour mieux évaluer la maltraitance des enfants présentant une déficience intellectuelle.

Comprendre pour mieux intervenir

Le lendemain, Claude rapporte à sa supérieure qu’il serait pertinent de recevoir une formation sur les réalités de ces familles, de leurs enfants et de leurs besoins. Il soutient qu’agir par des interventions adaptées et avec une connaissance spécifique permettront de réduire le risque de situations compromettant la sécurité ou le développement de ces enfants. Il s’agit des enfants les plus à risque de la société et c’est notre devoir d’agir pour les protéger.

 

 

 

Référence de l’article scientifique sur lequel porte ce texte de vulgarisation :

*De La Sablonnière-Griffin M, Paquette G, Hélie S et Dion J. (2021). Child maltreatment investigations and substantiations in child protection services: Factors distinguishing children with intellectual disabilities. Disability and Health Journal, 14(4), 101128. doi : 10.1016/j.dhjo.2021.101128

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