Texte gagnant au Concours de vulgarisation scientifique 2023 de l’UdeS – Adolescentes placées : quels regards sur l’avenir ?

Juillet 2023

Ce texte est un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2023 de l’Université de Sherbrooke.

Auteure : Élizabeth Rordrigues

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Élodie* a 17 ans. Depuis l’âge de 5 ans, elle a vécu dans trois familles d’accueil et demeure aujourd’hui en centre d’hébergement. Elle a de rares contacts avec sa mère biologique aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Elle n’a pas d’autre famille autour d’elle. Durant son enfance, ses besoins de base (sécurité, alimentation, etc.) n’ont pas trouvé réponse avec constance, ce qui a affecté son développement. Malgré quelques difficultés d’apprentissage, Élodie persévère afin d’obtenir un diplôme d’études secondaires.

Le cas d’Élodie illustre que le vécu et les ressources des adolescentes placées dans le cadre de la loi sur la protection de la jeunesse peuvent différer grandement des autres adolescentes. Comment ces adolescentes au parcours de vie teinté par l’adversité se projettent- elles dans leur vie adulte ? Annie Dumont, aujourd’hui professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi, a voulu répondre à cette question lors de son stage postdoctoral à l’Université de Sherbrooke sous la supervision des professeures Nadine Lanctôt et Geneviève Paquette. Les chercheuses ont interrogé quinze adolescentes âgées de 16 à 18 ans, placées en centre d’hébergement ou en famille d’accueil, dans différentes villes du Québec en 2017.

Éviter le pire!

Ces entretiens ont permis de mettre en lumière la place centrale qu’occupent les peurs chez ces adolescentes lorsqu’elles envisagent l’avenir. Pour elles, leur futur apparaît très incertain. Ainsi, une adolescente comme Élodie est plus encline à se projeter dans le futur en parlant de ses craintes d’imiter sa mère. Elle peut redouter de prendre de mauvaises décisions pour elle-même ou craindre d’éventuelles malchances de la vie qui la mèneraient sur la voie qu’elle souhaite éviter. Ses espoirs sont donc davantage de l’ordre d’éviter le pire, plutôt qu’une projection claire d’aspirations futures.

Représentation d’une adolescente songeuse sur son avenir. Photo: Pixabay

Un modèle positif et un plan d’action clair

Si la majorité des participantes de l’étude évoquent davantage leurs craintes pour le futur, trois d’entre elles se distinguent en parlant plus de leurs espoirs concrets. Ces trois participantes démontrent davantage le sentiment d’avoir du pouvoir sur le cours de leur vie. Elles partagent les points communs suivants : elles possèdent au moins un modèle adulte positif dans leur entourage, elles détiennent une conception claire des étapes à franchir pour atteindre leurs objectifs et elles n’envisagent pas les obstacles comme des fatalités, mais plutôt comme des défis surmontables par des réajustements de leur plan initial. Cette découverte a permis aux chercheuses d’identifier des pistes d’intervention pour soutenir les adolescentes placées dans leur transition vers la vie adulte.

Ainsi, Élodie pourrait être accompagnée pour identifier des modèles d’adultes positifs rencontrés au cours de sa vie, comme un parent d’accueil, une personne enseignante ou intervenante ou toute autre personne qui a pu être significative. S’appuyant sur ces modèles, elle pourrait se visualiser dans des rôles semblables. Elle pourrait aussi être encouragée à identifier des buts qui lui importent et être soutenue pour rendre tangibles les étapes à accomplir pour les atteindre.

L’exemple d’Élodie rappelle que l’accès aux chances est inégal souvent dès la naissance. Toutefois, entre le passé difficile de cette adolescente et le futur qu’elle craint pour elle-même, se tient le moment présent sur lequel il est possible d’agir pour l’accompagner à bâtir des possibilités et des espoirs pour son futur.

*Prénom et exemple fictifs

Cette nouvelle est également disponible sur le site web de l’UdeS.

 

Référence de l’article scientifique sur lequel porte ce texte de vulgarisation :

Dumont, A., Lanctôt, N. et Paquette, G. (2022). “I had a shitty past; I want a great future.” : Hopes and fears of vulnerable adolescent girls aging out of care. Children and Youth Services Review, 134. Prépublication en ligne. https://doi.org/10.1016/j.childyouth.2022.106374 

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