La quête de reconnaissance des mères d’enfants placés (A.-A. Plourde)


Une nouvelle de vulgarisation scientifique

Rosalie* et Katherine* sont mères d’un enfant placé par la DPJ. Malgré la tristesse vécue, le placement a poussé Rosalie à se reprendre en main. Elle occupe un emploi, a un nouveau conjoint et entreprend des démarches pour recevoir sa fille une nuit par semaine. Pour Katherine, c’est la chute libre. Elle n’a pas vu son garçon depuis six mois et refuse de parler avec l’intervenante des services de protection. La souffrance étant trop grande, Katherine a recommencé à consommer. Comment expliquer le fait que Rosalie ait la capacité de se réaliser malgré le placement, mais pas Katherine?

Avoir un enfant placé, c’est perdre non seulement la garde de son enfant, mais aussi son identité de mère. Provoquant chagrin, honte et perte, le placement confronte au jugement d’autrui. Difficile de ne pas se percevoir comme un mauvais parent quand nos difficultés personnelles sont à l’origine du placement. Ainsi, comment faire pour reconstruire une image positive de soi-même lorsque l’on est mère d’un enfant placé?

C’est afin de répondre à cette question, mais aussi de comprendre les processus menant à une lésion du rapport à soi chez ces femmes, que les professeures Julie Noël (Université de Sherbrooke) et Marie-Christine Saint-Jacques (Université Laval) ont interrogé 14 mères dont l’enfant est placé jusqu’à sa majorité en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ).

Être reconnue pour avancer

L’affaire n’est pas simple. La valeur que l’on s’accorde en tant qu’être humain, c’est-à-dire le rapport à soi, dépend de la reconnaissance des autres, à la fois dans les sphères affective, juridique et sociale. Lorsque le rapport à soi est lésé, c’est donc qu’une ou plusieurs sphères de la reconnaissance font défaut.

Les chercheuses ont observé que la reconnaissance affective influence particulièrement les deux autres sphères. Les mères comme Rosalie entretiennent généralement des relations solides et bienveillantes. Elles ont une bonne connaissance de leurs besoins et savent les affirmer, ce qui favorise leur capacité à défendre leurs droits et à maintenir des contacts réguliers avec leur enfant. À l’opposé, l’étude témoigne que les mères ayant un réseau instable et limité vont davantage abdiquer et se sentir impuissantes à l’égard du placement de leur enfant. Elles cumulent bien souvent des expériences de mépris (exclusion, pauvreté, violence conjugale, etc.), restreignant leur disposition à se mobiliser.

La valeur que les mères s’accordent dépend également de leur perception d’être une bonne maman. Celles dont l’identité est lésée, telles que Katherine, rapportent se sentir peu considérées par les familles d’accueil, les services de protection ou le système judiciaire. Selon elles, ni leurs compétences ni leur statut de mère ne sont reconnus, faisant en sorte qu’elles font peu confiance aux intervenants. Leurs reconnaissances sociale et juridique en subissent les conséquences.

Néanmoins, plusieurs obtiennent une reconnaissance par l’occupation d’un emploi. Par sa valorisation sociale, l’intégration au marché du travail permet de préserver ou redorer l’image de soi. En l’absence d’emploi, de réseau et de respect de leurs droits, certaines mères en viennent à tout abandonner, à l’image de Katherine. Elles cessent alors de lutter

Maintenant, intervenir

Le rapport à soi n’est pas invariable. Cependant, avec les services de protection se centrant sur l’enfant, il est difficile pour les mères d’être entendues. Les chercheuses proposent donc diverses pistes d’intervention à l’attention des services de protection : création et maintien d’un réseau social, partage d’informations justes et complètes, soutien matériel, accès à des ressources d’aide, valorisation des différents rôles sociaux, etc. Vivre à la hauteur de leur valeur, n’est-ce pas ce à quoi ces mères ont droit?

*Noms fictifs

 

 


 

Nouvelle rédigée dans le cadre du concours de vulgarisation scientifique 2021 de l’Université de Sherbrooke (UdeS) par Audrey-Anne Plourde, étudiante à la maîtrise en service social à l’UdeS et membre étudiante du Groupe de recherche et d’intervention sur les adaptations sociales de l’enfance (GRISE) de l’UdeS. Elle y vulgarise un article de Julie Noël, professeure à l’UdeS et membre chercheur au GRISE, sur une étude menée auprès de 14 mères dont l’enfant est placé jusqu’à 18 ans, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ).

Référence : Plourde A-A. (2021). La quête de reconnaissance des mères d’enfants placés.

 

Consulter l’article original

Référence : Noël J et Saint-Jacques M-C. (2020). Quelle valeur s’accorde-t-on quand on estun e mère d’enfant placé ? Une analyse basée sur la théorie de la reconnaissance sociale. Nouvelles pratiques sociales, 31(2), 298–317. doi : 10.7202/1076657ar