Sécuriser les tout-petits avec le langage non verbal (M.-M. Brossard)
Une nouvelle de vulgarisation scientifique
Saviez-vous que notre capacité à affronter les moments difficiles de notre vie est influencée par notre sécurité d’attachement qui se construit entre 0 et 2 ans ? En effet, à la naissance, nous avons non seulement des besoins physiologiques, comme manger et dormir, mais également des besoins affectifs, dont celui de s’attacher à une figure parentale. Lorsque le parent se montre sensible aux signaux de détresse du bébé (ex. pleurs) et qu’il y répond rapidement et efficacement, le bébé comprend que son parent sera toujours là. Il peut donc lui faire confiance. Cette confiance permet à l’enfant d’explorer le monde qui l’entoure avec assurance, un peu comme s’il détenait une boussole lui permettant de s’aventurer vers l’inconnu, convaincu de retrouver le chemin vers sa base de sécurité. Ce lien d’attachement revêt d’une grande importance pour le bébé, car il influence son estime de soi, sa confiance envers les autres, sa persévérance ainsi que sa résilience, et ce, pour le reste de sa vie.
Également, lorsque le parent s’intéresse aux pensées et émotions de son petit en donnant un sens à ses comportements et en lui reflétant verbalement (ex. « Tu as un grand sourire, tu es content de voir papa? »), cela influence sa sécurité d’attachement. Ce phénomène s’appelle la mentalisation parentale. Elle permet au bébé de comprendre ses états mentaux, c’est-à-dire ses propres pensées et émotions, ainsi que leurs raisons d’être. Éventuellement, cela lui permet de reconnaitre et d’exprimer ses émotions adéquatement.
Les gestes valent-ils autant que les mots?
Récemment, des chercheurs nous ont appris que la mentalisation parentale peut aussi s’effectuer de façon non verbale. C’est ce qu’ils appellent la mentalisation parentale incarnée (MPI). La capacité du parent à interpréter les états mentaux de son bébé s’exprime donc à la fois par les mots (verbalement) et par la manière dont il s’ajuste (non verbalement) aux états mentaux de l’enfant. Comme une danse entre le parent et son enfant, la MPI capture les échanges non verbaux en portant une attention particulière à la qualité des mouvements et des gestes. Par exemple, si un parent secoue brusquement un jouet près du visage de son bébé et que ce dernier se cambre ou tourne la tête, le parent peut détecter l’état de l’enfant et s’ajuster en secouant le jouet plus doucement ou plus loin du visage.
À travers ses recherches doctorales en psychoéducation à l’Université de Sherbrooke, Karine Gagné et son équipe ont tenté de voir si cette façon non verbale de s’intéresser aux états mentaux des bébés était liée à leur sécurité d’attachement. Les chercheur.es ont analysé 110 interactions mères-enfants en contexte de jeu et ont démontré qu’effectivement, la manière dont les mères adaptent leurs gestes aux états mentaux de leur enfant influence leur sécurité d’attachement, et ce, au-delà des mots.
Intéressant… mais concrètement en quoi est-ce utile ?
Depuis longtemps, nous accordons beaucoup d’importance aux paroles pour soutenir le développement socioaffectif des tout-petits. Or, contrairement à ce que nous pouvions penser, cette étude nous apprend que les bébés captent le langage non verbal et qu’il est aussi important que les mots dans le développement socioaffectif.
Ces résultats sont également très utiles pour les intervenantes et les intervenants qui accompagnent les parents. Effectivement, ils soulignent que pour saisir pleinement les éléments qui influencent la sécurité d’attachement des tout-petits, l’évaluation doit inclure des micro-observations du non verbal.
Et contrairement à ce que son nom laisse supposer, la mentalisation parentale ne concerne pas seulement les parents, mais tous les adultes qui interagissent avec les petits. Voilà quelque chose d’intéressant à garder en tête lors de nos prochaines interactions avec bébé!
Nouvelle rédigée dans le cadre du concours de vulgarisation scientifique 2022 de l’Université de Sherbrooke (UdeS) par Marie-Michèle Brossard, étudiante au doctorat en psychoéducation à l’UdeS et membre étudiante du Groupe de recherche et d’intervention sur les adaptations sociales de l’enfance (GRISE) de l’UdeS. Elle y vulgarise un article de Karine Gagné, membre étudiante diplômée au GRISE, portant sur la mentalisation parentale et le développement socio-émotionnel des tout-petits.
Référence : Brossard M-M. (2022). Sécuriser les tout-petits avec le langage non verbal.
Référence : *Gagné K, Lemelin J-P et Tarabulsy G.M. (2021). Non-verbal and verbal parental mentalization as predictors of infant attachment security: Contributions of parental embodied mentalizing and mind-mindedness and the mediating role of maternal sensitivity. Infant Behavior and Development, 65. doi: 10.1016/j.infbeh.2021.101622