Scéance datablitz O : Comportements délinquants et adaptation sociale positive
Nous remercions Sophie Labossière pour la modération de cette séance de datablitz.
Communication 1 : Les comportements de fugue et le double mandat de la protection de la jeunesse et de la justice juvénile chez les adolescents hébergés en centre de réadaptation : comment intervenir auprès de ces jeunes ?
Par Maxime Durette, Sophie Couture et Marie-Pierre Villeneuve
Résumé de la communication : Chez les jeunes suivis en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) et hébergés en centre de réadaptation, le fait d’avoir également un suivi en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) peut entraîner divers enjeux pour l’intervention (p. ex. manque de communication entre les instances) (Wright et al., 2017). Un suivi en vertu de la LSJPA survient principalement lors de délits; toutefois, il est possible de croire que les comportements adoptés lors de fugue puissent aussi augmenter le risque de suivis en LSJPA. Considérant que les jeunes suivis en double autorité LPJ et LSJPA prennent davantage de risque (p. ex. délinquance, consommation d’alcool) (Bala et al., 2015), il y a lieu de considérer le modèle de la prise de risque de Steinberg (2008) (impulsivité, recherche de sensations et influence des pairs) afin de mieux comprendre les besoins cliniques de ces jeunes. La présente étude vise donc à explorer si la fugue, l’impulsivité, la recherche de sensations et l’influence des pairs permettent d’expliquer le suivi en double autorité. Pour répondre à cet objectif, 174 adolescents âgés de 15 à 17 ans hébergés en centre de réadaptation en vertu de la LPJ ont été recrutés. Une régression logistique a été effectuée à partir de données administratives des centres de réadaptation et les participants ont répondu à des questionnaires autorapportés. Les résultats préliminaires montrent que pour les adolescents hébergés en centre de réadaptation, le fait d’avoir un suivi en double autorité s’explique surtout par l’impulsivité et, plus précisément, par le trait de désinhibition. Afin de réduire le risque qu’ils commettent des comportements criminels et délinquants, il apparaît nécessaire de miser sur les interventions ciblant la gestion des émotions pour éviter que les jeunes agissent impulsivement. De plus, la fugue en centre de réadaptation n’est pas associée au suivi en double autorité. Les comportements adoptés ou les expériences vécues lors des fugues ne semblent donc pas mener à une arrestation. Malgré l’absence de conséquences sur le plan légal (double autorité), il y a lieu de se préoccuper des nombreuses autres conséquences associées à la fugue, dont l’exploitation sexuelle et la victimisation en général.
Communication 2 : La régulation émotionnelle chez les adolescents hébergés en centre de réadaptation au Québec : les associations avec la fugue et la consommation de substances psychoactives
Par Véronique Hamel-Auger, Sophie Couture et David-Martin Milot
Résumé de la communication : La fugue est une problématique inquiétante chez les personnes adolescentes, notamment celles hébergées en centre de réadaptation (Institut national d’excellence en santé et en services sociaux [INESSS], 2017). Les systèmes cognitifs impliqués dans la gestion des émotions sont encore en maturation à l’adolescence (Habib et Cassotti, 2017), expliquant possiblement une moindre efficacité des stratégies de régulation émotionnelle ainsi qu’une tendance à utiliser des comportements à risque (p. ex. consommation de substances psychoactives, fugue) comme réponse émotionnelle (Steinberg, 2004). Le vécu d’événements traumatiques, dont est victime la majorité des jeunes hébergés, représente aussi un important facteur de risque pouvant entraîner une régulation émotionnelle dysfonctionnelle (Collin-Vézina et al., 2011). Pour ces raisons, il est pertinent d’aller vérifier quelles stratégies de régulation émotionnelle sont associées à la présence de fugue chez les jeunes hébergés en centre de réadaptation. Puisque la consommation de substances psychoactives est un comportement régulièrement associé à la fugue (INESSS, 2017), il importe de vérifier le rôle modérateur de celle-ci dans la relation entre la régulation émotionnelle et la fugue. Dans cette étude, 199 jeunes de sexe masculin (15–17 ans) hébergés en centre de réadaptation ont répondu à des questionnaires autorévélés. Des analyses de régression logistique ont été réalisées. Certains résultats préliminaires suggèrent que le fait d’utiliser moins de stratégie de centration positive est associé à la présence de fugue. Concernant la modération de la consommation d’alcool, l’effet d’interaction s’est montré significatif pour les stratégies de mise en perspective et de centration positive et pour les stratégies de mise en perspective de centration sur l’action et de centration positive dans le cas de la modération de la consommation de drogues. Ainsi, tous ces résultats montrent qu’une utilisation accrue de ces stratégies (qualifiées d’adaptées) chez les participants est significativement associée à un risque moins élevé de fugue, et ce, notamment chez les personnes adolescentes ne consommant pas d’alcool ni de drogue. Finalement, dans une optique de prévention plutôt que de punition, cette présentation souligne l’importance d’implanter des interventions pour aider les jeunes à augmenter leur répertoire de stratégies de régulation émotionnelle adaptées.
Communication 3 : Le besoin relationnel des adolescents : un levier d’intervention dans la prévention de l’exposition aux situations à risque durant les fugues ?
Par Emma Fournier, Sophie Couture, Marie-Pierre Villeneuve et Catherine Laurier
Résumé de la communication : L’adolescence est une période de transition caractérisée par la recherche d’indépendance et l’engagement accru auprès des pairs (Crone et al., 2021). Également, pour certains, cette même période se distingue par une plus grande prise de risques (Steinberg, 2004). Les adolescents hébergés en centre de réadaptation ne sont pas épargnés par ces enjeux développementaux. Parmi les enjeux observés en centre de réadaptation, on retrouve la fugue qui touche 25 % des jeunes adolescents hébergés (INESSS, 2017). Ces fugues peuvent offrir des contextes de socialisation, mais elles peuvent également exposer ces jeunes à des situations à risque pour leur sécurité ou celle d’autrui (p. ex. : consommation de substances psychoactives [Hamel, 2017]). Cette étude qualitative vise à décrire les expériences vécues lors des fugues pour comprendre l’influence des contextes (avant et pendant) sur lesdites expériences. Pour répondre à cet objectif, 15 fugueurs masculins (15 à 17 ans) ont participé à une entrevue semi-structurée portant sur leurs expériences durant leur fugue la plus récente et la plus marquante. Une analyse thématique de la transcription des verbatims a ensuite été réalisée pour cibler les situations à risque vécues et leurs contextes. Malgré la diversité des expériences vécues lors des fugues, allant de la délinquance à la victimisation, celles-ci se déroulent majoritairement en présence de pairs. Également, la majorité mentionne une insatisfaction envers leur placement (p. ex. : refus de sortir) avant leur fugue. Effectivement, plusieurs réfèrent à leur besoin relationnel en nommant l’importance de maintenir les liens avec leurs amis et leur famille, ce que leur placement entraverait. Ces résultats suggèrent que malgré le contexte de placement, les jeunes ont des besoins relationnels. Une manière de réduire les événements préjudiciables avec les pairs en contexte de fugue est de miser sur le besoin relationnel accru des adolescents (1) en encourageant le développement de relations positives et (2) en créant un filet de sécurité hors du centre (p. ex. : organismes communautaires). Ainsi, bien qu’ils soient en fugue, les jeunes auraient des ressources permettant d’amoindrir l’exposition aux situations les mettant à risque.
Communication 4 : Profils de risque de récidive générale : les adolescents auteurs d’infractions sexuelles (AAIS) et les adolescents contrevenants non-auteurs d’infractions sexuelles (ACNAIS)
Par Jérémy Gendreau-Ouellet, Marie-Pierre Villeneuve et Geneviève Parent
Résumé de la communication : Les pratiques en vigueur à l’endroit des adolescents auteurs d’infraction sexuelle (AAIS) reposent sur l’hypothèse que ces derniers représentent une population à haut risque de récidive sexuelle qui est distincte des adolescents contrevenants non-auteurs d’infraction sexuelle (Zatkins et al., 2022). Œuvrant majoritairement sur les facteurs de risque de récidive sexuelle, les programmes qui interviennent auprès des AAIS tendent donc à négliger les facteurs de risque associés à la récidive non sexuelle, ce qui a un impact non négligeable sur leur haut taux de récidive générale (Lussier et Fréchette, 2022). En effet, depuis plus de 70 ans, la récidive sexuelle des AAIS affiche une prévalence stable de 8 %, alors que leur récidive générale atteint 44 % (Lussier et al., 2023). Peu d’études se sont penchées sur l’impact des facteurs de risque associés à la récidive non sexuelle des AAIS. De meilleures connaissances de ces facteurs chez les AAIS permettraient d’identifier de meilleures cibles d’intervention et de diminuer plus efficacement leur prévalence de récidive générale. Le premier objectif de ce projet est d’identifier, auprès des adolescents auteurs ou non d’agressions sexuelles, des profils de risque basés sur les huit domaines de risque du Youth Level of Service/Case Management Inventory (YLS/CMI), un outil d’évaluation du risque de récidive générale (Hoge et Andrews, 2003). Les huit domaines de risque mesurés sont les infractions précédentes, la situation familiale, l’éducation et l’emploi, les pairs, la toxicomanie, les loisirs, la personnalité et les comportements ainsi que les attitudes. Le deuxième objectif est d’associer les profils de risque obtenus à la récidive générale et sexuelle. L’échantillon comprend un total de 597 jeunes Québécois judiciarisés (86,1 % hommes), dont 57 AAIS. La moyenne d’âge est de 16,4 ans. En réponse au premier objectif de recherche, les analyses de clusters réalisées proposent un modèle à quatre profils. La proportion d’AAIS est plus élevée (21,3 %) dans le profil 1 (faible risque). Les AAIS sont aussi représentés dans les profils 2 (7,7 %; problème de consommation et entourage déviant) et 4 (7,1 %; difficultés émotionnelles et scolaires). Une minorité d’AAIS (3,3 %) se retrouve dans le profil 3 (risque élevé). En réponse au deuxième objectif de recherche, les analyses comparatives d’ANOVA ainsi que les tests post-hoc révèlent des différences significatives entre les taux de récidive générale du profil 3 (risque élevé; 78,4 %) et du profil 1 (faible risque; 42,6 %), ainsi que des différences significatives entre les taux de récidive sexuelle du profil 4 (difficultés émotionnelles et scolaires, 4,0 %) et du profil 1 (faible risque, 0 %). Cette différence s’observe même si le pourcentage d’AAIS est plus faible dans le profil 4 (7,1 %) que dans le profil 1 (21,3 %). Ces résultats montrent la nécessité de prendre en considération les facteurs de risque non sexuels dans le processus d’évaluation et d’intervention des AAIS. D’ailleurs, ces facteurs associés à la récidive non sexuelle sont communs à plusieurs autres problématiques observées à l’adolescence. Dès lors, en agissant sur ceux-ci, il est possible de réduire chez les AAIS le risque de récidive tout en favorisant l’émergence et la consolidation de leurs capacités d’adaptation.