Symposium I : Négocier sa maternité en contexte de services actuels ou passés de protection de la jeunesse : capacités adaptatives, ressources et besoins des mères

 

Responsable du symposium : Julie Noël

Résumé du symposium : Les résultats qui seront présentés dans le cadre de ce symposium montrent des pistes d’intervention prometteuses et une intervention probante couvrant le continuum des interventions offertes à différentes mères souvent considérées comme étant «en situation de vulnérabilité», « à risque », voire « déviantes ». Ces mères peuvent être perçues ainsi parce qu’elles ont subi des maltraitances menant à une prise en charge de la protection de la jeunesse durant leur propre enfance, qu’elles ont pu vivre des difficultés susceptibles de se répercuter sur le développement de leur enfant par leur relation d’attachement et la qualité des interactions mère-enfant et qu’elles sont à risque de voir leur histoire se répéter par le placement de leur enfant. Ce symposium sera alimenté par une discussion sur les forces de ces jeunes mères et comment prévenir le placement de leurs enfants en misant sur la qualité de l’attachement et des interactions mère-enfant.

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Communication 1 : Jeunes mères ayant été placées en protection de la jeunesse à l’adolescence : les changements dans leur vie à la suite de leur maternité précoce

Par Geneviève Paquette, Marie-Lee Giroux, Madeleine Prévost-Lemire, Anne-Marie Tougas et Nadine Lanctôt

Résumé de la communication : Les jeunes femmes ayant reçu des services en protection de la jeunesse sont susceptibles de devenir mères dès le tournant de l’âge adulte alors qu’elles se trouvent souvent en situation précaire où se juxtaposent monoparentalité, pauvreté, violence conjugale et détresse psychologique (Connolly et al., 2012; Lanctôt, 2008). Leurs enfants ont, à leur tour, jusqu’à trois fois plus de probabilité que les autres d’être placés en protection de la jeunesse (Dworsky, 2015). Or, des études s’attardant à décrire de manière holistique l’expérience de ces jeunes mères montrent que la maternité peut aussi leur donner de nouvelles occasions de se fixer des buts (Aparicio, 2017) ou de se stabiliser (Pryce et Samuels, 2010). Toutefois, ces jeunes mères rapportent craindre que leurs enfants soient à leur tour victimes de maltraitance et subissent l’intervention des services de protection de la jeunesse. Dans le contexte où une forte proportion de ces jeunes mères a subi différentes formes de maltraitance durant l’enfance, et ce, souvent de manière prolongée, elles sont fortement susceptibles de présenter des conséquences du trauma complexe durant l’adolescence, et aussi à l’âge adulte. Le trauma complexe se définit à la fois par l’exposition prolongée à de la violence subie dans le cadre des relations proches de la victime ainsi qu’à l’impact de cette exposition en matière de conséquences affectant le fonctionnement adaptatif (Cook et al., 2003; Herman, 2015). Dans cette perspective, la présentation a pour objectif de documenter les changements que 17 jeunes femmes (21-25 ans) ayant reçu des services en protection de la jeunesse rapportent en lien avec leur expérience de maternité précoce. Les résultats mettent en lumière six thèmes traduisant majoritairement des changements positifs directement en lien avec l’expérience de la maternité. Ces changements se traduisent par des gains sur le plan de leur fonctionnement psychologique, adaptatif et dans leurs relations avec leurs proches. Ces résultats suggèrent que la maternité peut améliorer le développement et l’adaptation de ces jeunes femmes. Les interventions leur étant offertes pourraient identifier les changements positifs que ces jeunes femmes vivent en lien avec leur maternité afin de s’en servir comme tremplin en vue de favoriser leur rétablissement sous l’angle du trauma complexe tout en comptant sur des communautés de soutien qui les entourent (Gill et al., 2023; Herman, 2015). 

Principales recommandations pour la pratique :

  • ADOPTER une perspective de rétablissement du trauma complexe dans l’intervention pour considérer les conséquences d’un passé traumatique auxquelles font face ces jeunes femmes tout en prenant soin de leurs enfants. 
  • IDENTIFIER les changements positifs liés à la maternité précoce pour ces jeunes femmes et les utiliser comme point d’appui pour soutenir leur rétablissement. 
  • CONSIDÉRER les forces de ces jeunes femmes pour soutenir leur adaptation alors que la maternité précoce les catapulte dans la vie adulte. 

 

Communication 2 : La dynamique relationnelle entre les femmes ayant été placées en protection de la jeunesse à l’adolescence et leur enfant : pistes pour favoriser l’adoption de comportements parentaux sensibles

Par Katherine Pascuzzo, Nadine Lanctôt, Geneviève Paquette et Chantal Cyr

Résumé  de la communication : À la suite d’expériences répétées de ruptures relationnelles ou de maltraitance à l’enfance, les adolescentes ayant un historique de prise en charge par la protection de la jeunesse sont à risque de présenter de multiples séquelles à l’âge adulte se reflétant sur les plans identitaires, affectifs et relationnels (Colbridge et al., 2017; Lanctôt, 2020). Leurs capacités à s’investir dans leur rôle parental pourraient alors être réduites parce qu’elles ressentent d’abord le besoin de se reconstruire personnellement. Dans un tel contexte, et malgré leurs bonnes intentions, les difficultés qui caractérisent le parcours développemental de ces femmes seraient alors peu conciliables avec la nécessité de répondre au quotidien aux besoins de leur enfant (Radey et al., 2016). Or, l’adaptation de l’enfant dépend en grande partie de la qualité des capacités parentales que sa mère pourra mobiliser. Cette présentation vise donc à susciter des réflexions quant aux cibles d’intervention à privilégier pour favoriser des interactions mère-enfant sécurisantes auprès d’un échantillon de 39 femmes (M âge = 26,79 ans) ayant été placées en centre de réadaptation à l’adolescence. D’abord, un processus de transmission des difficultés émotionnelles mère-enfant est présenté. Les résultats préliminaires suggèrent un processus indirect où le cumul de formes de maltraitance subies par les femmes durant l’enfance serait lié à une détresse émotionnelle plus élevée chez celles-ci à la période de jeune adulte (M âge = 19,58 ans); leur détresse émotionnelle étant ensuite liée à des difficultés émotionnelles plus élevées chez leurs propres enfants (1-5 ans), sept ans plus tard. Les pratiques parentales de ces femmes sont ensuite décrites en termes de comportements typiques et atypiques. Pour conclure, les fondements de l’Intervention Relationnelle, un programme basé sur la théorie de l’attachement pour les dyades parent-enfant, sont abordés. La pertinence de l’Intervention Relationnelle en tant qu’approche centrée sur les forces parentales pour encourager les comportements parentaux sensibles et l’instauration d’un sentiment de sécurité chez l’enfant (Moss et al., 2011; Tarabulsy et al., 2018) est discutée.

Principales recommandations pour la pratique :

  • RECONNAÎTRE l’importance d’offrir des services multidisciplinaires afin de répondre aux besoins variés des mères ayant connu un placement en centre de réadaptation à l’adolescence. 
  • AGIR en amont : offrir des programmes de prévention pour soutenir les femmes enceintes et les nouvelles mères en contexte de vulnérabilité dans le développement de leurs capacités à reconnaître, à comprendre et à répondre adéquatement aux besoins de leur enfant. 
  • MISER sur la dyade : l’Intervention Relationnelle est un programme probant fondé sur la théorie de l’attachement pour favoriser le développement des capacités adaptatives des mères et de leur enfant.  

 

Communication 3 : Stratégies d’accompagnement mises en œuvre dans les milieux communautaires pour les mères ayant été placées en protection de la jeunesse qui font face au placement en protection de la jeunesse de leur enfant 

Par Julie Noël, Deborah Ummel, Marie-Eve Lapointe, Émilie Pelletier

Résumé de la communication : Les organismes communautaires répondent à plusieurs besoins souvent non couverts par le réseau public. Ils interviennent notamment auprès de mères, afin de répondre à des problématiques pouvant être à l’origine du placement de l’enfant, comme la consommation de substances psychoactives, les problèmes de santé physique ou mentale, les conditions financières précaires, la violence conjugale ainsi que l’itinérance (Fiacre et Bigote, 2013). Les personnes travaillant en milieu communautaire sont des actrices clés pour intervenir auprès d’elles, puisqu’elles les côtoient, bien souvent, avant que l’enfant soit placé. Certaines partagent un lien de longue durée et de proximité avec les mères (Novac et al., 2006). Ainsi, les personnes qui interviennent en milieu communautaire sont aux premières loges pour soutenir les mères à travers les pertes qu’occasionne le placement de l’enfant. Cette communication lèvera le voile sur des pratiques méconnues, celles d’interventions privilégiées par des personnes qui travaillent en milieu communautaire et qui ont accompagné des mères qui ont été placées pour leur protection alors qu’elles étaient jeunes et qui font face, à l’âge adulte, au placement de leur enfant par la protection de la jeunesse. La communication est basée sur cinq entrevues semi-structurées menées auprès de personnes travaillant en milieu communautaire. Les résultats préliminaires mettent en lumière les réflexions issues des expériences d’intervention partagées dans un contexte où les mères ont elles aussi, durant leur enfance, reçu des services de la protection de la jeunesse. Enfin, la discussion porte sur les cinq stratégies d’accompagnement suivantes : 1) saisir ce que la mère retient de sa propre expérience de placement, 2) départager les deux expériences de placement (Saint-Jacques et al., 2015); 3) assurer un filet de sécurité (Dorval, 2023; Noël, 2021); 4) accueillir le sentiment de culpabilité ressenti (Ross et al., 2017) et 5) respecter le rythme du dévoilement (Novac et al., 2006). Trois recommandations importantes ressortent de cette présentation. D’abord, l’importance d’assurer un filet social. Les mères ayant vécu un placement lorsqu’elles étaient jeunes ont peu de soutien provenant de proches. Ainsi, elles disposent de moins de ressources pour répondre à leurs besoins. Ensuite, la pertinence d’examiner la carte cognitive de la mère. Plusieurs se méfient de l’intervention des CISSS et CIUSSS. Elles peuvent aussi confondre leur propre expérience de placement avec celle de leur enfant. Enfin, la nécessité de créer un espace pour partager les émotions. Lorsque les émotions sont reçues sans jugement, la mère est alors plus disponible à l’intervention. Ainsi, il importe de respecter son rythme et ses décisions tout en étant transparent sur les conséquences possibles de ses choix.

Principales recommandations pour la pratique :

  • ASSURER un filet social. Les mères ayant vécu un placement lorsqu’elles étaient jeunes ont peu de soutien provenant de proches. Ainsi, elles disposent de moins de ressources pour répondre à leurs besoins. 
  • EXAMINER la carte cognitive de la mère. Plusieurs se méfient de l’intervention des CISSS et CIUSSS. Elles peuvent aussi confondre leur propre expérience de placement avec celle de leur enfant. 
  • CRÉER un espace pour partager les émotions. Lorsque les émotions sont reçues sans jugement, la mère est alors plus disponible à l’intervention. Ainsi, il importe de respecter son rythme et ses décisions tout en étant transparent sur les conséquences possibles de ses choix.