Symposium H : Mieux accompagner les enfants dans l’environnement numérique : stratégies pour minimiser les risques et maximiser les opportunités
Responsable du symposium : Caroline Fitzpatrick
Résumé du symposium : Ce symposium a pour objectif de sensibiliser certaines personnes professionnelles des milieux de la pratique (p.ex. le personnel enseignant, le personnel en psychoéducation, en psychologie et en travail social) à l’importance d’accompagner les jeunes afin de favoriser l’équilibre numérique; de les sensibiliser à une utilisation du numérique qui minimise les risques pour la santé et le développement et qui favorise le bien-être des enfants et des adolescents. Lors de ce symposium, des résultats de recherche et des recensions d’études récentes dans le domaine seront présentés. De plus, le partage d’expériences de la part des personnes participantes servira à alimenter et à enrichir les réflexions et les échanges. Les discussions leur permettront également de mieux comprendre quelles stratégies sont susceptibles de promouvoir l’établissement d’un équilibre numérique chez les enfants et les adolescents.
Communication 1 : L’utilisation des écrans par les tout-petits pendant la pandémie : pistes de solution pour la réduction des méfaits
Par Caroline Fitzpatrick, Marie-Andrée Binet, Emma Cristini, Maira Almeida Lopez, Élizabeth Harvey et Gabrielle Garon-Carrier
Résumé de la communication : Récemment, la pandémie a bousculé les routines familiales et a contribué à une augmentation du temps d’écran chez les enfants. Trop de temps consacré aux écrans, l’utilisation avant l’heure du coucher et l’utilisation par les parents de jeunes enfants sont susceptibles de nuire à la santé et au développement des enfants d’âge préscolaire (Konok et al., 2020; Madigan et al., 2019). De plus, une utilisation importante des médias numériques par les parents de jeunes enfants est liée à une réduction de la disponibilité et de la sensibilité parentale (McDaniel et Radesky, 2018). Dans le but de mieux saisir les impacts collatéraux de la pandémie sur les enfants, il demeure donc important d’examiner les habitudes médiatiques des familles pendant la pandémie et leur impact potentiel sur le développement des jeunes enfants. Un premier objectif de cette présentation est de décrire les habitudes médiatiques des enfants d’âge préscolaire et de leurs parents durant la pandémie et d’identifier les caractéristiques des enfants et des parents associées à ces habitudes. Un deuxième objectif sera d’examiner comment les habitudes médiatiques des enfants et de leurs parents contribuent aux développements cognitif, psychosocial et moteur des enfants. L’étude présentée est basée sur 315 familles qui ont rempli des questionnaires en 2020 et en 2021 durant la pandémie. Les analyses ont soulevé plusieurs facteurs de risque et de protection en lien avec les habitudes médiatiques familiales durant la pandémie et plusieurs conséquences négatives du temps d’écran sur le développement global des jeunes enfants ont été identifiées.
Principales recommandations pour la pratique :
- Les habitudes et pratiques médiatiques parentales sont des cibles prometteuses pour la promotion de saines habitudes chez les jeunes enfants.
- Limiter le temps d’écran des jeunes enfants pourrait favoriser leur développement du contrôle volontaire et la régulation des émotions négatives, deux aspects clés du développement socioaffectif et de la préparation scolaire.
- Aider les parents et les jeunes enfants à développer de saines habitudes numériques pourrait favoriser leur développement global.
Communication 2 : Comment mieux agir contre la cyberintimidation? Regard évaluatif et recommandations concernant les ressources d’information offertes en ligne aux personnes enseignantes et intervenantes
Par Mathieu Bégin, Maggie Roy et Justine Caron
Résumé de la communication : Au Québec, durant une année scolaire, environ le quart des adolescents sont victimes de cyberintimidation (Cénat et al., 2014). Les effets de la cyberintimidation sur ses victimes sont variés. Mentionnons, entre autres, une baisse de la qualité des liens avec les parents et des résultats scolaires ainsi qu’une hausse du niveau d’anxiété sociale et des symptômes dépressifs (Marciano, Schulz et Camerini, 2020). Des ressources d’information sont offertes aux personnes concernées par ce problème, afin qu’elles sachent comment agir pour contrer la cyberintimidation. Cette recherche vise à décrire et à évaluer le contenu des ressources destinées spécifiquement aux personnes enseignantes et intervenantes, dont le contenu est potentiellement variable sur le plan de leur qualité et de leur pertinence (Bégin, T’Kint, Fastrez et Landry, 2018). La recherche s’appuie sur la théorie de « l’information comme discours » qui postule que toute information n’est jamais objective, car inévitablement fondée sur des émotions, des valeurs, des représentations et des normes sociales qui caractérisent son contexte professionnel, géoculturel et historique de production (Charaudeau, 2011). Quatre concepts liés à cette théorie ont orienté l’analyse des données, soient ceux de représentations, d’explications, d’injonctions et de justifications. Dans le cadre de cette recherche qualitative, 13 ressources d’information canadiennes et 13 ressources d’information belges en langue française ont été analysées. Les résultats de l’analyse montrent que le discours des ressources est surtout porteur de descriptions du problème de la cyberintimidation et, dans une moindre mesure, d’explications. Leur consultation permet donc de connaître le problème, sans toutefois comprendre ses mécanismes psychosociaux sous-jacents sur lesquels les personnes enseignantes et intervenantes pourraient agir. Par ailleurs, les ressources proposent somme toute peu de pistes d’action. La Belgique fait particulièrement pâle figure dans ce domaine. Cela dit, les quelques pistes d’action proposées correspondent à ce qui est décrit comme de « bonnes pratiques » dans la documentation scientifique. Par contre, ces pistes d’action ne s’accompagnent d’aucun discours justificatif permettant aux personnes enseignantes et intervenantes de comprendre pourquoi elles posent les actions qu’on leur propose, ce qui pourrait laisser les plus critiques d’entre elles dubitatives. Une collaboration s’impose entre les producteurs de ressources et les personnes enseignantes et intervenantes si l’on souhaite que ces dernières aient accès à de l’information répondant à leurs besoins et à leur réalité professionnelle.
Principales recommandations pour la pratique : Les travaux antérieurs que l’équipe de recherche a menée concernant les ressources offertes aux parents belges et canadiens francophones à propos de la cyberintimidation (Bégin et al., 2018) et les résultats exploratoires de la recherche en cours permettent de formuler trois pistes de recommandations pour la formation et la pratique :
- Intégrer un cours d’initiation à l’analyse des problèmes sociaux et à la réalité des pratiques éducatives, pédagogiques et didactiques à la formation des futurs professionnels de la communication, qui pourraient être appelés à produire de l’information à destination des personnes enseignantes et intervenantes.
- Développer davantage les compétences informationnelles des personnes enseignantes et intervenantes, afin qu’elles soient en mesure de porter un regard évaluatif quant à la qualité et à la pertinence de l’information qui leur est offerte pendant leur formation initiale et tout au long de leur carrière.
- Encourager et faciliter un réseautage et des partenariats entre les professionnels de la communication et de l’éducation, afin que les ressources d’information soient produites dans une perspective dialogique, c’est-à-dire correspondant à la fois à la réalité de leur contexte de production et aux besoins informationnels de leurs usagers.
Communication 3 : Promouvoir le bien-être numérique auprès des jeunes : pour une approche inclusive et non moralisante
Par Charles Bourgeois, Emmanuelle Parent, Charles-Antoine Barbeau-Meunier, Marie-Pier Jolicoeur, Véronique Bolduc, Antonin Lelièvre, Guyllaume-Olivier Daniel, Lilia Ben Abdelkader et Vincent Beaulac
Résumé de la communication : Les usages numériques des jeunes font régulièrement l’objet d’une « panique morale » dans l’opinion publique (Lallement, 2021). Afin de nous éloigner de débats sans nuances autour du temps d’écran (Bourgeois et Ntebutse, 2022), nous proposons, en tant que groupe de travail interdisciplinaire (éducation, santé, communications, droit, etc.), de promouvoir une approche inclusive et non moralisante, fondée sur le concept du bien-être numérique. Nous voyons le bien-être numérique comme l’atteinte d’une expérience subjective d’équilibre entre les avantages et les inconvénients des usages numériques (Vanden Abeele, 2021). Cette définition inclut des dimensions physique, mentale et sociale, comme celle de l’OMS. Favoriser le bien-être numérique implique d’éveiller l’esprit critique des jeunes relativement à la place qu’occupent les téléphones intelligents, les réseaux sociaux et les jeux vidéo dans leur vie. Nous ne faisons pas l’impasse sur les risques d’un temps d’écran élevé (Olsen et al., 2022). Une sensibilisation doit toutefois passer par un dialogue qui tienne compte de la culture numérique (Boyd, 2015). Cette communication met en évidence les leçons tirées des écrits scientifiques, dont celle d’adopter un positionnement prudent puisque l’impact du numérique varie selon l’âge de la personne (enfant ou adolescent), le type de technologie, son usage et le contexte d’où l’importance de mobiliser une flexibilité d’adaptation. Cette présentation émet aussi des recommandations tirées sur la base d’expériences de terrain auprès d’élèves de 14 à 17 ans à partir d’ateliers offerts par la Fondation du Centre pour intelligence émotionnelle en ligne (CIEL). Cette démarche appuie (1) la promotion d’approches éducatives inclusives, non moralisantes et à l’affût de la culture numérique des jeunes; (2) la mise en place d’un contexte d’échange permettant aux jeunes de s’exprimer à titre d’experts de leurs usages numériques et (3) l’inclusion des jeunes dans le développement d’interventions, puisqu’ils sont partie prenante de leur santé.
Principales recommandations pour la pratique : Dans le Cadre de référence de la compétence numérique, le gouvernement du Québec indique que l’un des éléments de la dimension « Agir en citoyen éthique à l’ère du numérique » consiste à « être conscient de l’impact de son utilisation du numérique sur son bien-être physique et psychologique » (MESS, 2019, p. 13). Aucun indicateur de bien-être ni d’exemple d’approche pour le favoriser chez les jeunes n’est précisé. Cette communication se veut une première tentative de pallier cette lacune.
Dans un premier temps, notre revue des écrits scientifiques nous amène à recommander un positionnement prudent. Sans nier l’existence de la cyberdépendance ainsi que les dangers de la comparaison et de l’impact du numérique sur les performances cognitives, l’état actuel des connaissances n’appuie pas un positionnement ferme contre toute présence des écrans. Leur impact varie selon l’âge de la personne (enfant ou adolescent), le type de technologie, son usage et le contexte d’où l’importance de mobiliser une flexibilité d’adaptation.
Dans un deuxième temps, à la suite des ateliers, nous recommandons (1) la promotion d’approches éducatives inclusives, non moralisantes et à l’affût de la culture numérique des jeunes; (2) la mise en place d’un contexte d’échange permettant aux jeunes de s’exprimer, à titre d’experts de leurs usages numériques et (3) l’inclusion des jeunes dans le développement d’interventions, puisqu’ils sont partie prenante de leur santé.
Bref, une partie de la solution se trouve dans l’expertise des jeunes. Leur bien-être numérique est subjectif. Les jeunes doivent ainsi sentir une ouverture de la part des adultes pour remettre en question un si grand pan de leur vie quotidienne. L’hétérogénéité des opinions est la norme plutôt que l’exception. Cette diversité de points de vue demande de pouvoir nuancer son message en fonction des contextes plutôt que de livrer un contenu généralisé. Impliquer les jeunes dans des projets de sensibilisation (ex. production de capsules vidéo) est un exemple de bonne pratique.