Symposium L : Les besoins de reconstruction des jeunes femmes ayant subi des traumas : au-delà de la gestion du risque et de la stigmatisation, soutenir le processus de rétablissement et de développement des capacités

 

Responsable du symposium : Geneviève Paquette

Résumé du symposium : Ce symposium inclut trois présentations sur le soutien à prodiguer aux jeunes femmes ayant subi des traumas dans différents contextes. La première présentation de ce symposium brossera un tableau des conséquences rapportées par des adolescentes ayant subi une agression sexuelle sévère qui sont desservies en centre jeunesse sous l’angle du trauma complexe. À partir de ce profil de conséquences, la présentation portera sur l’accompagnement à offrir à ces adolescentes pour répondre à leurs besoins et favoriser leur rétablissement. La deuxième présentation rapportera les conséquences traumatiques de l’exposition aux gangs de rue à l’adolescence chez de jeunes femmes ayant un historique de placement. Il sera ensuite discuté de l’intégration dapproches d’intervention axées sur le développement des capacités du soi (Briere, 2002) au regard dapproches traditionnellement axées sur la gestion du risque. La troisième présentation portera sur les victimes d’exploitation sexuelle et leur processus de reconstruction de soi. Les résultats seront discutés dans une perspective à la fois individuelle (sous l’angle du développement identitaire) et sociale (sous l’angle de la stigmatisation). Les stratégies que les filles et les femmes déploient, avec plus ou moins de succès, pour protéger leur identité seront discutées, de même que les pratiques à promouvoir.  

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Communication 1 : Les besoins des adolescentes ayant subi une agression sexuelle sévère sous l’angle du rétablissement du trauma complexe

Par Geneviève Paquette, Jacinthe Dion, Isabelle Daigneault et Alexa Martin-Storey

Résumé de la communication : Les adolescentes ayant subi des agressions sexuelles sont susceptibles de présenter une constellation hétérogène de conséquences (Matte-Landry et al., 2022). Lorsque les agressions sexuelles subies sont sévères en termes de durée ou de conduites intrusives subies, les conséquences associées sont plus graves et résistantes au traitement (Paquette et al., 2011). Les agressions sexuelles sévères peuvent être à la source d’un trauma complexe qui se définit à la fois par l’exposition prolongée à de la violence subie dans le cadre des relations proches de la victime ainsi qu’à l’impact de cette exposition en matière de conséquences affectant le fonctionnement adaptatif (Cook et al., 2003, Herman, 2015). L’ensemble de ces conséquences auprès des adolescentes agressées sexuellement de manière sévère est peu documenté alors que mieux les connaître pourrait permettre d’identifier leurs besoins et d’orienter les interventions offertes. C’est sous l’angle du trauma complexe que l’étude vise à en décrire les conséquences dans différents domaines de l’adaptation rapportées par 39 adolescentes (âge moyen = 15 ans; écart-type = 1,5) desservies par les services en protection de la jeunesse qui ont été victimes d’une agression sexuelle sévère. Les résultats mettent en lumière différents besoins sur le plan de l’intervention à offrir sous l’angle du soutien au rétablissement du trauma complexe. Les résultats de cette étude suggèrent que d’adopter une approche qui s’inspire du modèle de rétablissement du trauma complexe développé par Herman (2015) peut être pertinent pour soutenir le déploiement des capacités adaptatives de ces adolescentes, notamment en centrant l’intervention autour du rétablissement de la sécurité.

Principales recommandations pour la pratique :

  • IDENTIFIER les adolescentes desservies par les services en protection de la jeunesse qui ont été victimes d’agression sexuelle sévère peut permettre de leur offrir une intervention adaptée à leurs besoins.  
  • CIBLER la gestion des conséquences du trauma complexe en se consacrant au rétablissement de la sécurité est une priorité de l’intervention. 
  • MISER sur le lien entre le trauma et ses conséquences peut favoriser le pouvoir d’agir de l’adolescente.  

 

Communication 2 : Miser sur le développement des capacités du soi chez les adolescentes et jeunes femmes exposées aux gangs de rue

Par Anne-Marie Ducharme, Nadine Lanctôt, Catherine Laurier et Annie Lemieux

Résumé de la communication : Traditionnellement, les interventions auprès des jeunes impliqués dans un gang de rue sont guidées par une approche de gestion du risque de récidive où les facteurs de risque de la délinquance sont principalement ciblés (Mallion et Wood, 2020). Dans cette approche, les traumas subis et leurs séquelles sont peu considérés. Néanmoins, l’exposition aux gangs de rue chez les adolescentes et jeunes femmes accentue les risques d’exposition à des événements potentiellement traumatiques (p. ex. exposition à la violence physique, émotionnelle, sexuelle) (Sutton, 2017). Cette exposition est susceptible de laisser des séquelles importantes, telles que des symptômes de stress post-traumatique et aussi d’interférer avec le développement normal des capacités internes de l’individu qui permettent de s’adapter aux défis typiques auxquels font face les adolescentes et jeunes femmes. Dans son modèle du trauma du soi, Briere (2002) définit trois capacités internes : la cohésion identitaire, les capacités interpersonnelles ainsi que la régulation des émotions. Toutefois, les conséquences de l’exposition aux gangs de rue chez les adolescentes sur les symptômes post-traumatiques et sur les capacités internes demeurent très peu documentées. La présentation porte sur les symptômes traumatiques (stress post-traumatique, perturbations identitaires et relationnelles, extériorisation des émotions) rapportés par 110 jeunes femmes ayant un historique de placement dans un centre de réadaptation à l’adolescence et sur l’effet de l’exposition aux gangs de rue sur ces symptômes. Il en ressort l’importance de considérer l’ensemble des besoins des adolescentes et jeunes femmes exposées aux gangs de rue, au-delà des facteurs de risque de la délinquance (Mallion et Wood, 2020). Aussi, les résultats mettent en lumière la pertinence d’adopter une approche sensible au trauma auprès des adolescentes et jeunes femmes exposées aux gangs de rue tout comme la nécessité de cibler, lors de nos interventions, la reprise du développement des capacités internes (cohésion identitaire, compétences interpersonnelles, régulation des émotions) de ces adolescentes et jeunes femmes. Il est ensuite discuté des implications cliniques quant aux approches de gestion du risque et quant aux approches visant le rétablissement et la résilience.

Principales recommandations pour la pratique :

  • CONSIDÉRER l’ensemble des besoins des adolescentes et jeunes femmes exposées aux gangs de rue, au-delà des facteurs de risque de la délinquance (Mallion et Wood, 2020).  
  • ADOPTER une approche sensible au trauma auprès des adolescentes et jeunes femmes exposées aux gangs de rue. 
  • CIBLER la reprise du développement des capacités internes (cohésion identitaire, compétences interpersonnelles, régulation des émotions). 

 

Communication 3 : Exploitation sexuelle, trauma et stigmatisation : comment cheminer vers une reconstruction de soi

Par Nadine Lanctôt, Mathilde Turcotte, Katherine Pascuzzo, Delphine Collin-Vézina et Catherine Laurier

Résumé de la communication : Avoir une représentation saine et positive de soi constitue un véritable défi développemental chez les survivantes de violence sexuelle, y compris chez les victimes d’exploitation sexuelle (Wekerle et Kerig, 2017). Ces dernières doivent négocier leur propre développement identitaire, tout en composant avec les conséquences de la manipulation psychologique, des menaces, de la coercition, de la peur et de la violence qui caractérisent le contexte de la prostitution (Cecchet et Thoburn, 2014).Cette présentation vise à comprendre comment l’exploitation sexuelle peut mener à différentes manifestations d’une conception altérée de soi-même. Elle s’appuie sur des données recueillies dans le cadre d’une étude longitudinale menée auprès de 124 adolescentes placées en centres de réadaptation. La conception de soi altérée renvoie aux sentiments d’échec et de honte, au manque de connaissance de soi et de la définition de soi en fonction des besoins d’autrui (Briere, 2001). Les résultats indiquent que les jeunes femmes ayant été exploitées sexuellement à l’adolescence sont particulièrement à risque de douter de leur estime de soi et d’avoir une faible connaissance de soi. Mais au-delà de ce constat, les résultats soulignent l’importance de comprendre comment la violence subie, conjuguée à la stigmatisation qui en résulte, altère considérablement la capacité de ces jeunes femmes à reconnaître qu’elles ont de la valeur. En s’appuyant sur des résultats qualitatifs recueillis auprès de femmes en situation de prostitution, les résultats mettent en lumière l’importance de tenir compte de l’intersection du trauma et de la stigmatisation dans les interventions auprès des victimes d’exploitation sexuelle. Il faut reconnaître les différentes manifestations d’une conception de soi altérée chez ces victimes, saisir la portée d’une conception de soi altérée dans différentes sphères de leur vie et positionner l’intervention auprès des victimes d’exploitation sexuelle dans une perspective développementale.

Principales recommandations pour la pratique :

  • RECONNAÎTRE différentes manifestations d’une conception de soi altérée.  
  • SAISIR la portée d’une conception de soi altérée dans différentes sphères de vie.  
  • POSITIONNER l’intervention auprès des victimes d’exploitation sexuelle dans une perspective développementale.