Des jeunes vulnérables à ne pas oublier en temps de COVID

Juin 2020

Depuis le 13 mars 2020, le Québec est en état de crise sanitaire et, chaque jour, des précisions sur la situation ou sur les précautions à prendre face à la COVID-19 sont apportées. Des mesures ont été mises en place pour plusieurs groupes : prestation canadienne d’urgence pour les travailleuses et travailleurs perdant leur emploi, école à la maison ou en classe pour les enfants, embauche de personnes préposées supplémentaires pour subvenir aux besoins des ainés dans les CHSLD. Les adolescentes et les adolescents ont aussi été ciblés par les instances gouvernementales parmi les groupes à risque qui, sans en prendre vraiment conscience, pouvaient s’exposer et exposer les autres au virus. Chanteurs, rappeurs, humoristes ont été mis à contribution pour les aider à se rappeler l’importance de respecter les consignes pour se protéger et protéger les autres. Parmi ceux-ci, cependant, la santé d’un groupe de jeunes a particulièrement préoccupé des chercheuses du GRISE. Ces jeunes, elles les suivent dans une étude longitudinale depuis le début de l’école primaire, à un moment où ils présentaient des troubles de comportement. Ces jeunes qui sont souvent plus à risque d’être impulsifs et d’éprouver des difficultés à respecter les règles, sont aussi plus à risque d’avoir des problèmes de santé tant sur le plan physique que mental. En outre, plusieurs ne vont plus à l’école et sont en situation de précarité. Il est donc possible que pour un certain nombre d’entre eux, ce soit particulièrement difficile d’appliquer les recommandations du gouvernement, tel le confinement, et qu’ils vivent davantage de conséquences en lien avec la crise actuelle, dont l’anxiété et le stress. Or, aucune mesure n’est prise plus spécifiquement auprès de ce groupe afin de les soutenir dans cette période difficile.


« Ce sont des jeunes qui peuvent être encore plus à risque que les autres jeunes, qui peuvent mettre les autres à risque et qui sont aussi plus vulnérables aux problèmes de santé, mais on n’en parle pas. » — Michèle Déry


Une inquiétude chez les chercheures

Michèle Déry, Mélanie Lapalme et Alexa Martin-Storey de l’Université de Sherbrooke, ainsi que Caroline Temcheff de l’Université McGill étaient préoccupées pour ces adolescentes et ces adolescents. C’est ce qui les a poussées à réaliser une étude afin de connaître leur situation d’emploi et leur milieu de vie en période de COVID, leurs comportements par rapport aux recommandations du gouvernement, de même que les stress vécus et les symptômes d’anxiété qu’ils pouvaient présenter durant cette période de crise sanitaire. La professeure Déry ajoute : « Ce n’est pas tant le respect [des mesures de confinement et de distanciation physique] qui nous intéresse que l’habileté à le faire. Est-ce qu’ils le font ? Des fois, on ne peut juste pas ou c’est plus difficile de le faire ».

Mais comment rejoindre ces adolescentes et adolescents ?

Dans l’étude longitudinale, les participantes et les participants sont rencontrés une fois par année, mais l’équipe de chercheures a ajouté une enquête téléphonique supplémentaire durant le confinement. Pour ce faire, elles ont obtenu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche – Éducation et sciences sociales de l’Université de Sherbrooke et ont pu contacter les participants de leur étude originale. Puisque la situation d’urgence sanitaire évoluait rapidement, les chercheures voulaient que la collecte soit réalisée sur une courte période de temps. Les jeunes ont été contactés deux semaines après le pic annoncé par la santé publique, mais juste avant le déconfinement, soit entre le 4 et le 19 mai 2020. Quatre-vingts pourcents des jeunes qui participent à l’étude longitudinale ont pu être rejoints et ont accepté de participer à cette enquête supplémentaire, soit 600 adolescentes et adolescents ou jeunes adultes. « Le projet a pu être lancé rapidement grâce au soutien efficace et compétent de Mylène Villeneuve Cyr, qui a coordonné l’enquête, et d’une équipe d’intervieweuses remarquables » de dire la professeure Déry.

Des informations pour comprendre ces jeunes

Les informations recueillies permettront aux chercheures de comparer les jeunes ayant des antécédents de troubles de comportement à l’enfance et ceux qui n’en ont pas (groupe de comparaison qui a aussi participé à l’enquête) sur le plan de leur situation, de leurs comportements, des stress vécus et de leurs symptômes d’anxiété. Elles pourront ainsi déterminer si les premiers sont exposés à des risques plus élevés quant à leur santé et s’ils sont davantage affectés par la situation que les jeunes qui n’avaient pas de trouble de comportement à l’enfance. Le cas échéant, des recommandations pourront être faites à la santé publique pour rejoindre ces jeunes qui peuvent s’avérer très vulnérables en période de pandémie.

 

Propos recueillis et mis en texte par Geneviève Beaulieu, étudiante à la maîtrise en psychoéducation

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